ESSAI : L’Opel Manta 400 ex Guy Fréquelin

En septembre dernier, la montée historique de la Muraz a réuni plusieurs véhicules exceptionnels.

JPEG - 229.7 ko

Parmi ceux-ci, l’emblématique Opel Manta 400 de Guy Fréquelin (ex Henri Toivonen et ex- Jimmy McRae). Elle attirait de suite le regard avec sa décoration Rothmans caractéristique. Aïe ! Je viens de transgresser la loi Evin...Désolé, mais il me paraît difficile d’évoquer l’histoire d’un véhicule en faisant abstraction de son sponsor d’époque, qui fut aussi celui du nom de l’équipe (Rothmans Opel Rally Team). La Manta B de série possède des lignes fluides, il en résulte un coupé élégant. Dans la présente version avec ses ailes élargies, on change d’univers : quel que soit l’angle où vous l’abordez, cela transpire l’agressivité et la sportivité. Basse et solidement campée au sol avec ses voies larges, l’Opel Manta 400 ne laisse pas indifférent, d’autant plus que nous sommes ici en présence de l‘authentique voiture de Guy Fréquelin qui lui permettra d’être titré champion de France en 1985. Elle porte d’ailleurs toujours son immatriculation allemande d’époque. Après avoir fait plusieurs fois le tour du véhicule, l’envie d’en savoir plus me gagne et je me mets en quête de son propriétaire. Une personne bien informée me désigne dans la foule un grand homme longiligne semblant tout droit sorti d’un film de Clint Eastwood. Il s’agit d’Alain Michoulier. Son accueil est chaleureux et en moins d’une minute il me délivre avec passion le pédigrée de son auto.

JPEG - 179.7 ko

Alternant historique, anecdotes et données techniques, Alain a véritablement cette voiture dans la peau. Je me hasarde à lui demander le privilège de m’installer à ses côtés à l’occasion d’une des montées de la journée. Avec générosité et fierté, Alain Michoulier n’est pas homme à refuser ce moment de partage autour de sa passion. Nous nous fixons rendez-vous l’après-midi pour la 5ème et dernière montée. Je me glisse avec émotion à la place qui fut occupée tour à tour par Fred Gallagher (équipier de Toivonen) et Jean- François Fauchille. Alain, soucieux de garder pieusement l’authenticité de sa Manta, n’a jamais voulu modifier ni améliorer la moindre vis depuis son achat. L’habitacle transpire l’histoire du sport automobile. Mon regard est attiré par le toit qui est recouvert par de nombreux autographes, ceux des légendes du sport automobile qui ont eu la chance de piloter cette 400 en course ou lors de manifestations historiques.

JPEG - 183.4 ko

Parmi ces signatures, celle apposée par Colin McRae quelques heures avant son décès. En effet, le champion du Monde 1995 avait eu l’occasion de faire un essai de la voiture que pilotait son père Jimmy lors de l’Ulster Rally 1983 (4ème). L’habitacle vous replonge donc 40 ans en arrière. Le moteur s’ébroue sans difficulté et distille une sonorité pleine et docile à bas régime. Le 4 cylindres de 2420cm3 issu de l’Ascona 400 avec son double arbre et ses 16 soupapes délivre près de 275 ch. à 7250 tr./min. Nous nous approchons de la ligne de départ sur un filet de gaz et avec souplesse. Le contraste est saisissant avec une 205 T.16 qui, avec son turbo, nécessite une sollicitation bien plus brutale du moteur. Le commissaire nous donne le feu vert, Alain lance alors le moteur dans les tours et s’élance sur les 4,2 km du magnifique tracé de la Muraz qui garde encore quelques rares zones humides suite au déluge du matin. La poussée est impressionnante mais linéaire, l’aiguille du généreux et imposant compte-tours s’envole. La plage d’utilisation est large et offre une souplesse d’utilisation peu commune. Arrivent les premiers enchaînements : Alain, maitre d’un véhicule qu’il connait par cœur, joue avec le transfert de masse pour contrôler sa glisse et sa motricité.

JPEG - 74.5 ko

Rappelons que nous sommes ici en présence d’une propulsion avec un pont rigide. Bien que profondément revue avec 4 jambes de force, cette architecture était loin des standards plus modernes de la concurrence dans les années 80. Pour autant cette voiture ne vous prend jamais en traitre, elle vous téléphone ses réactions et permet à son pilote, malgré la puissance, d’en rester maitre. Elle semble même facile d’après Alain, même si par sa puissance et son gabarit, elle n’est pas à la portée du premier venu. En attendant, je savoure ma montée... Alain, ayant vite jaugé l’adhérence, se montre de plus en plus généreux avec les gaz et manie avec maestria la boite 5 inversée Getrag. Les derniers hectomètres sont magiques, l’aiguille du compte tours navigue dans la zone des 7000 tours mais la Manta accepte aisément les 8000. Nous passons déjà devant le commissaire agitant le drapeau à damier, après une dernière courbe à droite en dérive. Avec une certaine euphorie, j’ai à ce moment encore du mal à réaliser l’immense privilège d’avoir pu monter dans cette légendaire voiture, icône des plus belles années du rallye

Articles : Jean-François DUBY
Photos : Jean-François DUBY
-> Auto Full News #25 - Janvier 2022

 

Portfolio