Martini Racing au Salon international de l’automobile de Genève 2024
Parmi les petits constructeurs présents au Salon de Genève 2024 (26 février - 3 mars), Kimera Automobili a présenté l’EVO38 (ou Ultima Evoluzione). Après le succès de l’EVO37 en 2021, le fabricant italien a décidé d’offrir quelques chevaux et autres améliorations à sa petite dernière. Kimera fait passer le bloc 4 cylindres à 600 ch. pour un couple à 580 Nm. Au milieu des très (trop !) nombreuses voitures électriques, cette merveille thermique a attiré tous les regards. Miki Biasion, double champion du Monde de rallye (1988-1989) qui a contribué à son développement, était présent à la conférence de presse sur un stand sublimé par l’exposition de huit légendaires Lancia du Team Martini Racing.
L’occasion pour nous de nous replonger dans l’histoire de chacune de ces voitures. La première est la Beta Montecarlo Turbo Groupe 5 qui avait raflé de nombreuses victoires de classe en moins de 2 litres entre 1979 et 1981. Nous sommes ici en présence de la voiture pilotée aux 24 h. du Mans 1981 par Alboreto/Cheever/Facetti. Les trois hommes ramenaient la voiture à la 8ème place au général, à la 2ème place en Groupe 5 derrière l’intouchable Porsche 935 K3 de Bourgoignie/Cooper/Wood mais remportait la catégorie moins de 2 litres.
L’année suivante, Lancia passait en groupe 6 en alignant la LC1 développée en partenariat avec Dallara. Le 4 cylindres de la Beta Montecarlo Turbo de 1425 cm3 était repris mais ne délivrait plus que 460 ch. pour un poids de 665 kg. Après une première victoire aux 6 h. de Silverstone, Lancia s’imposait aux 1000 km. du Nürburgring avec Alboreto/Fabi/Patrese. C’est cette même voiture qui était exposée à Genève. En huit courses, la LC1 récoltait 3 victoires (Silverstone, Nürburgring, Mugello) ainsi que 3 poles. Elle permettait même à Patrese d’être en lutte pour le titre avec Jacky Ickx jusqu’à la dernière course de la saison. Finalement, l’Italien échouait pour 8 points face à une Porsche 956 redoutable. En 1983, la LC2 succédait à la LC1, mais cette dernière était une groupe C et n’avait plus rien de commun avec sa devancière. Le châssis exposé est la variante LC2/84 de 850 kg. avec un moteur Ferrari V8 Turbo porté à 3 014 cm³ délivrant plus de 700 ch. Alignée aux 24 h. du Mans 1985, elle permettait à l’équipage Pescarolo/Baldi de rallier l’arrivée en 7ème position, loin derrière la meute des intouchables Porsche 956 et 962.
Penchons-nous à présent sur les bêtes de rallye et en premier lieu la 037 qui est l’héritière directe de la Beta Montecarlo. Le récent film Race for glory nous a replongé dans cette saison 1983 où Lancia avait fait le pari de stopper l’hégémonie d’Audi avec une deux roues motrices légère. Avec Walter Röhrl et Markku Alén comme pilotes principaux, le Martini Racing misait tout sur les épreuves asphaltes et prenait le risque de concéder les épreuves sur terre ou neige à Audi. Après une lutte à couteaux tirés, Lancia décrochait finalement le titre des constructeurs au rallye de Sanremo remporté par Markku Alén secondé par Ilkka Kivimäki. La 037 réalisait même ce jour-là un triplé avec Walter Röhrl/Christian Geistdörfer et Attilio Bettega/Maurizio Perissinot. C’est l’exemplaire vainqueur qui nous est donné aujourd’hui d’admirer. Son 4 cylindres à double arbre à cames délivre plus de 280 ch. grâce à un compresseur volumétrique. Mais la 037, malgré son efficacité sur asphalte, allait subir la dure loi de la Peugeot 205 Turbo 16. Malgré des coups d’éclats, Lancia dû se résoudre à développer sa Groupe B à 4 roues motrices. Il en résultat la Delta S4 aussi monstrueuse que laide (enfin à l’époque). Son moteur 4 cylindres de 1759 cm3 recevait un compresseur volumétrique couplé à un turbo. L’ensemble délivrait dans un feulement caractéristique 530 ch. pour une caisse avoisinant les 970 kg. Très vite, la S4 allait repousser la 205 Turbo 16 Evo.2 dans ses retranchements. Avec Henri Toivonen à son volant, la perspective du titre semblait à la portée de Lancia. Malheureusement, un funeste Tour de Corse en décidera autrement. Avec le décès du jeune prodige finlandais, Lancia ne pouvait plus que compter sur Markku Alén et Miki Biasion pour défendre les couleurs de la marque. Malgré une puissance qualifiée parfois de brutale, Miki Biasion et Tiziano Siviero s’imposaient pour la première fois en championnat du monde à l’occasion du Rallye d’Argentine avec l’exemplaire exposé.
Fin 1986, la succession d’accidents graves poussèrent la Fédération à interdire le Groupe B. Le Groupe A jusqu’ici secondaire devenait la catégorie reine du rallye. Lancia se montrait la plus prompte à prendre le tournant réglementaire. En effet une Delta HF 4WD existait en série et les ingénieurs du Martini Racing fort de leur expérience n’eurent aucun mal à en faire une bête de course. La Delta dans ses différentes déclinaisons allait ouvrir une ère de domination sans partage durant 6 saisons. Sur le stand Kimera, nous retrouvions trois variantes. La première est une HF 4WD (265 ch.) avec laquelle Biaision et Siviero se classèrent 3ème au Tour de Corse 1987 juste derrière leur équipier Yves Loubet mais loin de la B.M.W. M3 de Bernard Béguin. La seconde est une HF Integrale 16V (295 ch.) qui avait permis à Didier Auriol et Bernard Occelli de s’imposer lors du Tour de Corse 1990 devant Carlos Sainz et Luis Moya sur leur Toyota Celica GT-4 (ST165). Enfin, la troisième et dernière Delta est une HF Integrale 16V Evo. (300 ch.) immatriculée TO51889N. Ce châssis n’a été engagé qu’une seule fois en championnat du Monde en 1990 avant d’être cédé à l’équipe Grifone. Didier Auriol et Bernard Occelli terminaient second du Rallye du Portugal derrière Miki Biaision et Tiziano Siviero. La Delta avait survolé cette épreuve en raflant aussi la 3ème place avec Kankkunen, la 4ème avec Cerrato, la 5ème avec Bica et la 7ème avec Reclade.
Texte et photos : Jean-François Duby