Portrait : Maria Teresa de Filippis

« J’étais soit courageuse, soit imprudente, soit téméraire ; appelez ça comme vous voulez, j’aimais juste aller à toute vitesse "
Maria Teresa de Filippis (1926-2016)

En ce mois de mars qui célèbre la Journée internationale de la femme, nous rendons hommage à une pionnière du sport automobile et plus particulièrement de la Formule 1. Maria Teresa de Filippis fut en effet la première femme à s’aligner en Formule 1 lors du Grand Prix de Monaco en 1958 au volant d’une Maserati 250F.

Maria Teresa de Filippis voit le jour
à Naples le 11 novembre 1926.
Elle est la fille d’un comte italien et
d’une mère espagnole. Maria Teresa a une
adolescence sportive avec la pratique de
l’équitation et du tennis. Un jour, elle fut piquée
au vif par ses frères qui ne la croyaient pas
capable de conduire vite. Prenant cela comme
un défi, la jeune Italienne décide à 22 ans de
s’engager en sport automobile à l’occasion
d’une épreuve de 10 km qui se dispute entre
Salerno et Cava de’Tirreni de 1948.

La Topolino des premières victoires

Ce jour-là, au volant d’une Fiat 500 Topolino
elle remporte une victoire de classe en 500cc
devant une concurrence masculine médusée.
Cette toute première victoire ne fait qu’attiser
sa passion pour le sport automobile et dès
l’année suivante, elle s’imposait dans plusieurs
compétitions en catégorie 750cc. Elle fait une
tentative en F2 en 1949 lors de l’épreuve du
Circuito del Garda avec une Ferrari 166S mais
ne parvient pas à se qualifier. En 1951 elle se
classe 3ème de la Coupe Ascoli au volant
d’une éphémère Giaur développée par les
frères Giannini et Berardo Taraschi. De 1952
à 1954 elle pilote des O.S.C.A. (marque des
Frères Maserati).
Avec une O.S.C.A. 1 100
cm3 elle se classe 2ème au circuit de Sassari
en 1952 avant de renouveler cette exploit avec
une O.S.C.A. MT4 en 1953. Cette même
année avec la même voiture elle se classe
4ème aux 12 Heures de Pescara. En 1954 elle
enlève la 2ème place au Grand Prix de Naples
et la 3ème place au Circuit de Calabre.

L’O.S.C.A. 1100cc châssis 1131

Maria Teresa de Filippis passe en 1955 sur
une Maserati 2000 A6GCS (ex voiture de Luigi
Musso). Quelques années plus tard, alors
qu’elle revenait sur les grands moments de sa
carrière elle déclarait à propos de cette
Maserati : « Une voiture puissante avec
laquelle je sentais que je pouvais tout faire…et
je l’ai fait !
 » avant d’ajouter : « Tant furent les
accidents spectaculaires mais aussi les
victoires ! La plus importante a été celle lors de
l’épreuve Catane-Etna avec un temps record,
qui est resté invaincu durant trois ans ». Cette
année-là elle termina à la deuxième place du
championnat en catégorie 2000 cm3. En 1958,
au volant d’une Maserati 250F privée (ex
Juan-Manuel Fangio), Maria Teresa de Filippis
obtint une très belle 5ème place au GP de
Syracuse,
ce qui reste à ce jour la meilleure
place d’une femme dans une épreuve de F1
hors championnat. Cette performance allait lui
ouvrir les portes du championnat du Monde en
1958 avec pour première participation le très
exigeant Grand Prix de Monaco. A l’époque
seuls les 16 meilleurs temps en qualification
étaient retenus pour permettre aux pilotes de
prendre le départ sur ce circuit si particulier.
Maria Teresa n’obtenait que le 23ème temps
avec une voiture qui était, faut-il le souligner, déjà dépassée par ses concurrentes. Un mois
plus tard, elle s’alignait au Grand Prix de
Belgique, à Spa-Francorchamps.
Elle
parvenait à se qualifier en 19ème position. Elle
allait réaliser l’exploit de finir la course à la
10ème place et avait même résisté plusieurs
tours aux assauts du Belge Olivier Gendebien
sur Ferrari D246 qui se classera 6ème. Elle
parvenait à se qualifier une nouvelle fois au
Gran Premio del Portogallo
à la 15ème place
sur la grille mais l’aventure tourna court, elle fut
cette fois trahie par sa mécanique au 6ème tour
(casse moteur).

Maria et la Maserati 250F en 1958

Quinze jours plus tard, elle se
présentait au départ du Grand-Prix d’Italie
dans le temple de Monza. A nouveau qualifiée
en dernière position sur la grille (21ème), elle
allait faire une course pleine de maîtrise et
parvenait à se hisser à la 5ème place à
quelques tours de la fin. Elle avait notamment
bénéficié des abandons des ténors de l’époque
comme Moss sur Vanwall VW5, Van Trips sur
Ferrari Dino 246 ou Hans Hermann sur
Maserati 250F. Malheureusement, elle fut trahie une fois de
plus par sa mécanique (rupture de bielle) à 13
tours de l’arrivée. Elle perdait une occasion
unique de marquer ses premiers points. En
1959, elle tentait de s’aligner avec une
Formule 2
(ce qui était possible à l’époque).
Elle rejoignit l’écurie du français Jean Behra
qui engageait des Porsche KG équipées du
moteur 547/3. Maria Theresa allait une
nouvelle fois échouer en qualification lors du
Grand Prix de Monaco (21ème). Quelques mois
plus tard elle se rendit au circuit de l’Avus,
théâtre du Grand Prix d’Allemagne.
Malheureusement un drame allait changer le
cours de sa carrière en F1. Lors d’une course
de voitures de sport, organisée en lever de
rideau du Grand Prix, Jean Behra perd le
contrôle
sous la pluie de sa Porsche 718 RSK et percute de plein fouet un pylône.

Maria avec Fangio et Jean Behra

Le choc est tellement violent que le champion
français décède sur le coup. Très affectée par
cet énième drame, Maria Teresa décida de
mettre un terme à sa carrière
. La championne
napolitaine allait dans un premier temps
tourner le dos au sport automobile et se
consacrer à sa vie de famille. Mais la passion
allait l’emporter et elle allait s’engager dans
diverses activités en lien avec l’automobile.
Elle deviendra vice-présidente du Club
International des Anciens Pilotes de F1 (crée
en 1962 à l’initiative de 9 anciens pilotes),
Présidente honoraire à vie du Maserati Club,
Membre honoraire du British Racing Driver’s
Club et Membre du comité d’honneur des Mille
Miglia. Maria Teresa de Filippis nous quittait
en janvier 2016 à l’âge de 89 ans
. Celle qui
avait gagné le respect et l’estime de ses rivaux
masculins restera à jamais la première femme
à avoir roulé en Formule 1 et un modèle pour
nombre de femmes désirant accéder au sport
automobile.

Article : Jean-François DUBY - Auto Full News
Photos : Maserati + DR

 

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