Goodwood Revival 2024 : la messe fut grande, malgré la pluie
Le Goodwood Revival peut être considéré comme un modèle d’excellence, souvent copié, jamais égalé. Cet événement atypique a eu le mérite de montrer la voie à d’autres organisateurs et surtout de magnifier l’image des compétitions réservées aux voitures anciennes. Malgré une météo capricieuse, le Revival Meeting 2024 (du 06 au 08 septembre) a fasciné une large assistance, égrenée sur ce site capable d’accueillir confortablement 100.000 spectateurs par jour. Ici, tout est impeccablement entretenu, une armée de collaborateurs remplace inlassablement les poubelles, pas un détritus ne souille le sol.
Quelque 90% de l’assistance adopte le dress code basé sur la mode des années 50’ et 60’, c’est le grand chic à l’anglaise ! Les zones situées en bord de piste sont équipées de talus herbeux plutôt douillets. Ici, pas de treillis de protection qui entravent le regard, une simple barrière d’1,20 mètre canalise le public. Certains endroits permettent de suivre les bolides sur la moitié du tracé, le tout relayé par des écrans géants savamment installés. La sono est parfaite, distillée par d’antiques hauts-parleurs qui permettent de suivre pas à pas les luttes qui émaillent les diverses courses.
Les divertissements et autres curiosités semblent infinis. Le thème de cette année était l’ambiance western. L’entrée principale avait pour toile de fond un saloon géant animé par une trentaine de figurants. Il est difficile d’énumérer les pistes de danse, podiums et autres guinguettes, disséminés dans cette étonnante propriété.
Le Drivers’Club plongeait dans l’ambiance glaciale d’une station de ski, un décor féérique où rien ne manquait, des épicéas enneigés, une minuscule patinoire où évoluait une charmante demoiselle vêtue à la mode des sixties, l’arrivée d’une piste de bobsleigh et un chalet savoyard complétaient la scène. Plus de 200 figurants circulaient au cœur de la foule.
Dans l’espace succédant aux vastes parkings, on ne pouvait manquer les 300 boutiques, présentant des articles ’vintage’. Cette exhibition haut de gamme, savamment orchestré par Charles, Duc Of Richmond, allait une fois de plus ravir l’assistance.
Sussex Trophy
Si la journée de vendredi a été marquée par une pluie persistante, les dieux étaient avec les organisateurs et le public pour la première épreuve du meeting disputée en début de soirée. Le Sussex Trophy réservé aux voitures de sport construites entre 1955 et 1960 ouvrait la succession de 16 courses plus endiablées les unes que les autres, qui allaient s’additionner au fil du week-end.
On a eu le plaisir de voir évoluer un plateau riche et varié mettant aux prises des Lotus XV, Jaguar D-type, Cooper, Lister Jaguar, Ferrari 246 S Dino. A leur volant, une pléiade de pilotes dotés d’un palmarès plantureux, comme André Lotterer ou Tom Kristensen.
Même si la pluie avait enfin cessé au moment de l’envolée, la piste restait aussi piégeuse que glissante. Elle n’a pas freiné les ardeurs d’Andrew Smith au volant de sa Lotus XV, qui a immédiatement pris le large, ne laissant aucune chance aux poursuivants. Cette manche d’une durée d’une heure impliquait un changement de pilote, c’est Oliver Bryant qui à pris le relai de Smith pour assurer la victoire de la petite Lotus, devant l’équipage Nigel Greensall / John Spiers sur une Lister Jaguar Costin reléguée à 46 secondes des vainqueurs.
Goodwood Trophy
Disputé le samedi, le Goodwood Trophy, réservé aux voitures de Grand Prix et voiturettes d’avant-guerre (entre 1930 et 1940).qui ont animé les premières courses du circuit dès 1948. Cette épreuve est particulièrement épique, les bolides ont une garde au sol importante alliée à la section des pneumatiques très étroite, ces éléments laissant libre cours à des glissades acrobatiques !. La victoire s’est jouée au dernier tour, quand Ian Baxter sur Alta à pris le meilleur sur l’ERA de Mark Gillies. Patrick Blakeney-Edwards, au volant d’une Fraser Nash, montait sur la troisième marche du podium, saluant sa course exemplaire.
Barry Sheene Memorial Trophy Part 1
La séance d’essais perturbée par une pluie torrentielle à quelque peu distribué les cartes pour la constitution des positions de départ. Cette première manche réservée aux motos a donné droit à une remontée spectaculaire de Michael Russell et Michael Rutter, qui se sont adroitement faufilés dans le peloton pour cueillir la victoire sur leur Norton Velocette MSS 1954.
St Mary’s Trophy Part 1
Certainement la course la plus échevelée du week-end, elle met aux prises les voitures de tourisme construites entre 1960 et 1966. Le spectacle est assuré par Frank Stippler sur Alfa Romeo Giulia Sprint GTA qui, de la première ligne de départ, n’a pas laissé sa position de leader aux furieux qui partaient à sa poursuite. Alex Brundle sur sa Mini Cooper S parti, de la cinquième place, livrait bataille à l’homme de tête, avec une ardeur consommée. La bombinette anglaise a dû baisser pavillon devant la puissance de la Plymouth Barracuda de Jake Hill qui, dans son élan, convoitait dangereusement la place de l’Alfa. Derrière, on assistait au show aussi époustouflant qu’acrobatique de Romain Dumas, auteur d’une remontée fantastique. Le Français, parti du fond de la grille au volant de sa monstrueuse Ford Galaxie 500, a fini par épingler la troisième place à seulement 0"008 de Jake Hill !
Le panel de pilotes de renoms était notamment riche de Nicolas Minassian, Stuart Graham, Andy Wallace (Jaguar MK2), Matt Neal et Rob Huff, Marcel Fässler (Cortina Lotus), Jean-Eric Vergne, Jochen Mass, Emanuele Pirro (Alfa Romeo), André Lotterer, Andy Priaulx (Ford Galaxie 500), Neal Jani ( BMW 1800 TiSA), qui ont tous assuré leur part de spectacle.
Whistun Trophy
Cette épreuve réservée aux Sports Protos de grosse cylindrée a été rendue périlleuse par la pluie qui a donné du fil à retordre aux pilotes. Ils éprouvaient beaucoup de mal à faire passer la puissance de leurs machines. Oliver Bryant s’est montré impérial au volant de sa Lola Chevrolet T70 Spyder, remportant la victoire. Suite à plusieurs incidents, les McLaren de John Spiers et d’Adam Sykes ont tiré les marrons du feu pour compléter le podium.
Stirling Moss Memorial Trophy
Cette épreuve a clôturé la journée du samedi au moment où le soleil se couchait. Tom Kristensen, Emanuele Pirro (Ferrari 250 GT SWB), Rob Huff, Andy Priaulx, Darren Turner ( Jaguar E-type FHC) faisaient office de têtes d’affiche. On a à nouveau assisté à une course magnifique. Parti de la 9ème place sur la grille, Jimmie Johnson (Aston Martin DB4 GT) a pris la tête à l’issue du premier tour et a dominé la course avec une avance confortable. La Voiture de Sécurité a alors compacté le peloton, et à la reprise, son équipier Dario Franchitti a repris l’avantage après leur arrêt aux stands, et en dépit d’une pénalité de 10 secondes, il a assuré la victoire devant la Shelby Cobra de Greensall / Spiers. Cette dernière a effectué une course fantastique, tandis que l’équipe de Jordan et Hartley Jr a dû se contenter de la troisième place après une pénalité pour un faux départ.
Earl of March Trophy
Réservée aux Racer 500, la première course de la journée du dimanche a particulièrement été pénalisée par la pluie. En effet, les micros machines ont été contraintes de suivre la voiture de sécurité au terme du deuxièle tour, pour finalement être arrêtées sous le drapeau rouge. Waterfield (Cooper Norton MkVIII) remporte la victoire devant Shackleton et Turner qui clôture le trio de tête Cooper.
Settrington Cup
Peu avant la pause de midi, on assistait à la sympathique course des voitures à pédales, mettant aux prises les jeunes champions en herbe. Ils étaient au volant de ravissantes Austin J40. Bon sang ne peut mentir, les enfants Franchitti était aux avants postes…
Richmond & Gordon Trophy
C’est au tour des monoplaces de Grand Prix, construites entre 1950 et 1960, de prendre la piste avec prudence, car si la pluie avait cessé, la piste n’en restaitpas moins piégeuse. Will Nuthall sur Cooper T53 ’Lowline’ prenait le meilleur sur la BRM d’Andy Willis en faisant l’extérieur d’une manière acrobatique dans la courbe de Madgwick. Une erreur de Willis dans Lavant Corner l’a privé de la deuxième place, qui a échu à Charlie Martin (Cooper T53). John Spiers a maintenu sa Maserati 250F à la troisième place.
Barry Sheene Memorial Trophy Part 2
La deuxième manche de l’épreuve réservée aux motos a vu Duncan Fitchett s’élancer en tête à Madgwick. Il sera disqualifié suite à une infraction technique. La course se jouait entre l’équipage Russel / Rutter (Norton Velocette MSS) qui assurait le spectacle en partant de la 27ème place. Ils remportaient la victoire après une bataille remarquable avec l’équipage Fitchett / McWilliams. Finalement ce sont Herbert Schwab / Davey Todd qui s’emparaient de la deuxième place devant Ben Kingham et Josh Brookes.
RAC TT Celebration
Cette course marque traditionnellement le meeting de septembre par la richesse de son spectacle, mais aussi par la qualité des pilotes qui y prennent part. Les gros bras portaient les noms de Matt Neal, Marcel Fässler, Rob Huff, Tom Kristensen, David Brabham, Romain Dumas, Richard attwood, André Lotterer, Jochen Mass et Emanuele Pirro, qui faisait équipe avec son fils Goffredo. On a assisté à une scène émouvante dans le Parc Fermé peu avant la séance d’essais. ’Goofi Pirro’, casqué et sanglé à bord de la Porsche 904, était coaché par son paternel, qui s’était glissé dans le siège passager. Au bord de la portière, on ne perdait pas de vue le ’parrain du jour’, en la personne de Tom Kristensen
Cette épreuve a donné l’espoir à Oliver Bryant de remporter sa troisième victoire du week-end. Parti du fond de la grille, suite à la disqualification de son équipier Jake Hill aux essais, ’Oli’ effectuait une remontée exceptionnelle et faisait fi de l’état de la piste toujours humide en prenant irrésistiblement la tête de la course. Quand Jake prenait le relais, il se contentait de maintenir leur Shelby Cobra en tête, creusant l’écart au fur et à mesure que la piste séchait. C’est alors que Tom Ingram portait une attaque musclée, imposant sa TVR Griffith 400 en franchissant la ligne d’arrivée en vainqueur.
Glover Trophy
Le Glover Trophy rappelait que le circuit de Goodwood accueillait les meilleurs pilotes de Grand Prix dans les années ’60. En fin d’après-midi, c’est une trentaine de F1 1500, construites entre 1961 et 1965, qui prenait part à la joute. La course a été perturbée par des sorties de route à St Mary, qui ont entrainé la présentation du drapeau rouge. Les machines sont ensuite reparties pour une bataille de 15 minutes, qui a opposeé Ben Mitchell, Andy Middlehurst, Martin Shaw et Joe Colasacco. La Ferrari 1512 12 cylindres de Colasacco a livré une lutte sans merci à Andy Middlehurst (Lotus 25), franchissant la ligne d’arrivée avec seulement 0"03 seconde de retard sur ce dernier. La Lotus 21 de Mark Shaw complétait le podium en troisième position.
St Mary’s Trophy Part II
La seconde manche du St Mary’s Trophy a fait dresser les cheveux sur la tête, tant la course a été intense. Les pilotes ont immédiatement adopté un rythme effréné, négociant la courbe interminable de Madgwick en de généreuses glissades des quatre roues. L’étonnant Nick Swift a placé sa Mini Cooper en pole, mais il ne pouvait rien faire contre la monstrueuse Ford Galaxie 500 de Bill Shepherd, qui prenait immédiatement la tête. Il était pourchassé par la Jaguar MKII de Chris Ward et la Mini de Swift qui exécutait un festival de virtuosité, en abordant les courbes d’une manière acrobatique. Gregor Fisken gobait la Mini et s’adjugeait la troisième place sur Ford Galaxie 500. Ward et Shepherd s’emparaient de la victoire.
Freddie March Memorial Trophy
Ce week-end incroyable s’achevait par le Freddie March Memorial Trophy, dans lequel on retrouve de voitures semblables à celles ayant participé aux 9 Heures entre 1952 et 1955. C’est Bill Shepherd qui prenait le meilleur départ au volant de la Ford Thunderbird ’Battlebird’, mais ses efforts restaient vains, puisqu’il était contraint à l’abandon suite à des soucis mécaniques. Jake Hill (HWM-Jaguar) et Richard Woolmer (HWM-Cadillac) prenaient le commandement. En fin de compte, ce sont les trajectoires impeccables de Hill qui assuraient sa victoire, ayant eu raison des généreuses glissades de Woolmer, qui a assuré le spectacle. Scott Malvern a fait une course solitaire pour terminer troisième au volant de son Allard J2X.
Animations et parades
Ce programme étoffé laissait également place à des commémorations basées sur des parades émouvantes. Plus d’une centaine de véhicules militaires fêtaient ainsi le 80ème anniversaire du D-Day. Feu Sir John Surtees était à l’honneur, puisqu’on célébrait le 90ème anniversaire de sa naissance. Lui qui fut sacré champion du monde sur deux et quatre roues ! Une sélection des ses machines de course a pris la piste sous la conduite du ’campionissimo’ Giacomo Agostini en personne.
Une parade était réservée aux 60 ans des Buggys Meyers Manx et une autre aux 75 ans de la série des Jaguar XK.
Pour conclure
Il y a 25 ans, le modèle des courses consacrées aux voitures anciennes n’était qu’une évocation historique, voire une simple curiosité réservée à quelques nostalgiques. Grace à l’impulsion du Goodwood Revival Meeting, on a la chance aujourd’hui d’assister à des manifestations prestigieuses, comme Le Mans Classic, le Grand Prix de Monaco Historique, voire les Spa Six Hours, qui adoptent la même charte d’excellence que le géant des South Downs.
Une chose est certaine : nous assisterons à l’édition 2025. Et vous ?
Texte et photos : Christophe A. Gaascht (pour speedactiontv.be)
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