4ème édition du Week-End de l’Excellence de Reims - Des moments d’un bonheur cristallisé...

Grâce à Reims, à son circuit de Gueux, maintenant monument historique, grâce, donc, au Week-End de l’Excellence, la nostalgie reste ce qu’elle était : des moments d’un bonheur cristallisé. Ce samedi 11 et dimanche 12 septembre, il suffisait d’être là, parmi les quelques 30 000 spectateurs, autour des fascines et des stands, pour que vous saute aux yeux l’audace d’un siècle de technique automobile, en fait toute son histoire.

Vendredi, lors d’une cérémonie donnée dans le temple Pommery, où des Loïe Fuller sculptées façon Art Nouveau dans le bois des tonneaux agitent leurs voiles inlassables, hommage a été rendu à ceux qui sont un monument survivant : les pilotes.

Voir ces grands-pères apaisés, dont on sait qu’ils filaient naguère à plus de 300 à l’heure, entre de méchantes murailles, dans des voitures sublimes mais aux freins plus petits que le cœur, nulles en crash-test, faisait naître au coin des yeux une perle qui était peut-être bien une larme. Ces échantillons d’hommes et de femmes sont nos astronautes, notre « right stuff », de Jean Guichet, Jean-Pierre Beltoise, Henri Pescarolo, Jean-Pierre Jaussaud, Bob Neyret, Jean-Pierre Nicolas, aux autres vainqueurs de lauriers plus obscurs mais tout aussi inaccessibles. Le lendemain, entre deux TGV, André Guelfi, 91 ans et doyen des pilotes de Grand Prix a enfin répondu à l’appel de ses anciens camarades, ces ravageurs de macadam. A Reims, « Dédé la sardine » est tombé dans les bras de Jean Guichet, son coéquipier chez Ferrari, qu’il n’avait jamais revu depuis Le Mans 1957 !
Défendant son éthique, parfois dans les cris et la douleur, le jury chargé de sélectionner les concurrents a refusé l’engagement de véhicule ne présentant pas de châssis original. Ce fut donc le refus pour les « répliques » et autres copies. Particularité pour les motos, 70% d’entre elles sont des engins de Grand Prix.

Et puisque le Week-End de l’Excellence se veut sans frontière, Jean-François Balde, vice-champion du monde moto, n’usurpait pas sa place, celle de ces intrépides auxquels deux roues suffisent pour vivre une passion. Tous ces champions alignés sur une grille d’arrivée, face à une fée, la BMW MM 1939, la « Superleggera », légère et dévoilée, elle aussi, sous la nef d’acier de Pommery. L’ovation faite à ces collectionneurs de lauriers permit de les confondre dans une gloire commune, tous sur la plus haute marche. Longue vie aux magiciens.

Pendant quarante huit heures, le plus grand et beau musée du monde...

Le samedi et le dimanche, passant d’une ivresse à l’autre, nous avons laissé le temple du champagne pour le glorieux bitume de Gueux. Deux cents voitures et quatre-vingt motos alignées sous des chapiteaux qui, pendant quarante huit heures, constituaient le plus grand et beau musée du monde. Voir, jusqu’à la toucher, une monoplace Ferrari 212 F1 GP de 1951, puis la regarder rouler, l’entendre s’éveiller pouvait suffire à la joie du jour. Mais peut-on oublier les Lotus F1 de Trintignant et Bonnier, la Matra de Beltoise, la Cooper Alta de Moss, la Tecno d’Amon, la Porsche 910 de Stommelen, Neerpasch et Hermann, la bombe roulante, l’Audi Quattro de Röhrl, la Skoda de Bobek, la Mitsubishi de Saby, vainqueur du Dakar… Machines parfaitement authentiques puisque le Week-End de l’excellence rejette les bricolages et autres « répliques ».

Si, dans les stands et sur la piste, à l’ombre de ce vieil « autodrome » préservé, les pilotes autos semblaient heureux de vivre, les motards l’étaient plus encore.

A croire que ces hommes-là ne respirent vraiment qu’en même temps que tournent leurs cylindres. Tandis qu’une Harley de 1916, la doyenne, d’antiques Norton ou Terrot retenaient leur huile, les plus jeunes alimentaient le feu, la Kawazaki de Balde, dont l’étonnante KR 250 (deux cylindres, deux temps), la Honda 6 cylindres 1966 qui fut celle de Hailwood, dont on vient du bout de la planète pour entendre le son : « le plus beau bruit de moteur du monde », la Yamaha de Pons, un héros qui nous manque, vainqueur à Daytona, la Elf-de Cortanze sans fourche…

Par deux fois, le samedi et le dimanche, le spectateur fut coincé, pris en sandwich entre deux merveilles, celle du sol et du ciel où d’autres as se laissaient « ailer ».

La patrouille des Cartouches Doré et l’escadrille Breitling nous ont prouvé qu’on peut jouer à l’extrême sans pour autant larguer des bombes ; et le DC3 -ancien « Dakota » d’Air France- nous fait regretter le temps d’une aviation « faite à la main ». Le vrai défaut de ce Week End de l’Excellence, est que, les lampions du fond des yeux éteints, il va nous falloir attendre un an avant de les rallumer.

Pour le Week-End de l’Excellence
Jacques-Marie Bourget
© Photos Full Frame