Vu de l’intérieur : les XIe Routes du Vexin Classic - Connaître et découvrir…

Lorsqu’on est passionné de rallyes historiques, et plus encore de navigation, il faut avoir fait le « Vexin » au moins une fois dans sa vie.

Son organisation parfaite, la bonne ambiance qui y règne, la qualité et la variété du parcours, sont autant d’appels à privilégier cette épreuve à n’importe quelle autre. Entre 2015 et 2017, j’ai eu la chance de la disputer trois fois, avec des fortunes diverses mais toujours beaucoup de plaisir. Je pilotais alors une Volvo 123 GT qui figurait parmi les plus anciennes voitures du plateau. Quelle ne fut pas la surprise de mes anciens adversaires quand ils m’ont vu débarquer cette année, engagé en catégorie « Découverte » avec une modeste Peugeot 205 XR de 1989, même pas une version sportive, et dans le rôle du navigateur !

Il est vrai que dans notre petit monde, les échanges de sièges ne sont pas rares. Un grand nombre d’experts de la discipline sont aussi à l’aise un volant entre les mains que pour décoder les subtilités d’un roadbook. Moi pas. En 30 rallyes, je m’en étais toujours remis aux talents des autres. Aussi, lorsque ma partenaire des débuts s’en est allée emprunter d’autres routes, et que ma nouvelle compagne m’a confié adorer conduire, j’ai convenu qu’il était temps de rebattre les cartes de ce qui allait être ma future vie rallystique. Celle-ci s’est organisée autour de l’achat d’une nouvelle monture, en l’occurrence un petit lionceau jaune orangé, économe, facile à entretenir, maniable… et presque ancien ! Assez en tout cas pour permettre à notre trio inédit d’entamer son aventure.

La catégorie « Découverte » propose un roadbook en théorie sans surprise ni interprétation possible. Tout, ou presque, y est consigné, tant la distance que la direction et le nom des routes et voies à emprunter. C’est dans ce contexte presque déstabilisant de facilité (au moins apparente) que nous entamons les 400 km de l’épreuve, ce samedi 25 mai, à Estrées Saint Denis. Partis avec un petit numéro, nous ne rencontrons que peu de concurrents et tentons de rester vigilants. Emilie, très appliquée, ne lâche pas du regard le côté droit de la route, bien décidée à n’oublier aucun CP (« pour ne pas me faire engueuler à l’arrivée », me dit-elle en souriant). De fait, une indiscrétion bienvenue d’un commissaire au premier point stop, la rassure totalement : nous sommes passés à zéro. Nous ne l’apprendrons que plus tard dans la soirée, mais ce sera également le cas pour le deuxième secteur. Cette fois, deux minutes de retard sont à déplorer au CH à Lassigny, mais elles ne nous pénalisent que très peu. Simba le petit lion pointe à la troisième place du classement provisoire…

La confiance et les habitudes s’installent petit à petit. Ce roadbook est d’une telle précision qu’on a le sentiment de voir la route se construire en fonction de ce que j’annonce. Plus roulants, les deux derniers secteurs de l’après-midi sont vécus comme une balade. Toujours aucun CP dans la musette, un pointage à l’heure idéale… Seul mon rhume un peu agaçant, et une certaine fatigue après presque six heures de parcours, m’empêchent de profiter pleinement du savoureux dîner offert par l’organisation. Mais il est peut-être temps de s’inquiéter aussi car se profile l’étape de nuit...

Je n’en fais pas de secret, la nuit et moi, on n’est pas copains. Ma vision limitée et les capacités d’éclairage de la 205, même agrémentées de ses longue portée tout neufs, ne sont pas de nature à me rassurer. Pour couronner le tout, cette nuit, on doit réguler à la seconde. Les temps de passage sont inscrits sur chaque case du roadbook, et cette donnée me perturbe pendant les premières centaines de mètres. Je ne m’y retrouve plus, mes annonces sont brouillonnes. Je crois avoir réussi à me reconcentrer mais trop tard, j’ai oublié un « tourne à gauche » après un pont. On a roulé presque un kilomètre en trop !

Demi-tour et sens inverse, accélérations rageuses, mais c’est fini pour passer dans les temps devant le premier contrôle. A partir de ce moment, ce sera une course contre la montre perdue d’avance, mêlée de nouvelles petites erreurs qui aggravent notre passif. Emilie s’en sort avec les honneurs, malgré des lentilles de contact qui s’assèchent et piquent les yeux… mais on ne peut pas éviter la débâcle : pénalité maximale et six minutes au CH final. Le sourire revient en découvrant que la boîte à CP est toujours vide. Mais qu’ont fait les autres ? Pas mieux. En arrivant au petit déjeuner dimanche matin, la surprise est de taille : non seulement on gagne l’étape, mais on est passé en tête au général !

Il sera bien assez temps de se trouver des axes d’amélioration en comparant nos déboires avec les copains des catégories supérieures qui sont presque tous passés dans les temps, il faut d’abord aller gagner ce rallye ! Le premier secteur nous conduit au château de Pierrefonds et se déroule à nouveau sans difficulté. La suite est malheureusement moins fluide : dès les premiers mètres du « deux », on cafouille. Les cases s’enchaînent trop vite pour mon cerveau encore endormi, j’envoie Emilie dans une impasse (le panneau était pourtant bien visible) et la voilà coincée en contrebas d’une petite voie étroite où il est impossible de faire demi-tour. Je descends pour la guider mais il faut d’abord aider un équipage en Triumph qui s’est engouffré derrière nous. Marche arrière, l’embrayage qui patine, le moteur qui chauffe… Enfin sortis de ce mauvais pas, l’odeur de cramé et les voyants qui s’allument nous font craindre le pire. Mais on roule, chauffage à fond et ventilateur à marche forcée, et tout rentre dans l’ordre. Reste à reprendre les dix minutes perdues…

C’est sans doute cet empressement qui nous fait faire la plus belle erreur du rallye, un peu plus loin. Sur une bifurcation, il manque vingt mètres sur le Tripmaster, mais le nom de la voie correspond aux indications. On y va, on note le CP bien visible quelques mètres plus loin… et au croisement suivant, ça ne colle plus. Retour au point de départ, on fait les vingt mètres manquants, on regarde à gauche : la voie porte toujours le même nom, et un nouveau CP (le bon), nous tend les bras…

Emilie a fait le job, elle a bombardé sur les voies plus rapides qui nous conduisent au CH de Rethondes. On a rendu la feuille de route dans la minute. Soulagement. Reste un secteur, pas exempt de difficulté, on prend le temps de sécuriser, ça passe. Pointage au CH final sans douleur. Satisfaits d’avoir tout fait pour limiter les pertes, évidemment heureux d’en avoir terminé avec cette épreuve inaugurale, il ne nous reste plus qu’à profiter de la convivialité légendaire du Vexin avec les amis. Qu’est-ce que ça fait du bien d’être là !

L’écurie Guépard a la bonne idée d’annoncer le classement final des « Découverte » au milieu du repas. Emilie et moi remportons la catégorie et recueillons, pour la première fois ensemble, les coupes qui amuseront nos enfants respectifs. Une vraie joie intérieure, et surtout une envie de recommencer très vite. Nous serons donc évidemment au départ l’année prochaine (en catégorie GT). Au Vexin, il se passe toujours quelque chose. Nous avons hâte de le (re)découvrir…


Texte : Antoine Charrière
Photos : Antoine Charrière, Michel Lefort et Stéphane Caen

organisation : Ecurie Guépard

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[NDLR : Merci à Antoine et Émilie d’avoir amené les couleurs de NCR sur la plus haute marche du podium ;-)))) ]

 

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