Une saison dans le Trophée René Jouan avec Antoine et Aurélie Charrière

Ça m’a pris un soir de décembre 2012. Le Saumur Légende venait de s’achever. A notre grande surprise, le podium que nous y avions accroché, ma femme Aurélie et moi, nous avait fait bondir au classement du Trophée René Jouan, à tel point que nous nous voyions offrir un engagement pour l’une des épreuves de la saison 2013. Aussi inattendu que motivant ! Alors j’ai pris un calendrier, consulté le niveau de mon livret d’épargne, et j’ai dit à Aurélie : « L’année prochaine on fait tout le championnat et on vise une place dans les 5 premiers, tu me suis ? ».

Je savais bien qu’elle dirait banco. Elle a adoré le principe des rallyes de régularité dès nos débuts, et pour rien au monde elle ne laisserait passer une occasion de rouler avec notre chère Volvo 123 GT. Ce que j’avais oublié, c’est que la première manche du Trophée 2013, le Rallye de l’Ouest Historique , tomberait à une date où elle n’était pas disponible (ah, les vacances scolaires…).

Me voilà donc embarqué dans l’aventure avec un équipier pigiste mais expérimenté, Joël, Volviste et Tourangeau comme moi. Nous nous présentons au départ à Lohéac avec la ferme intention de prendre le maximum de points. Tous les habitués CART Historique sont là, l’affaire s’annonce délicate… Et malheureusement, dès la première ZR, le pépin : plus de freins à l’arrière. La course de la pédale anormalement longue, peu de répondant, impossible de savoir ce qui se trame. Pour autant la voiture ne perd pas de liquide, tout le reste semble normal, j’enroule donc les kilomètres en jouant du frein moteur et je laisse Joël se concentrer. Les 7 spéciales du jour se passent plutôt bien, une seule erreur de navigation, quelques secondes par-ci par-là mais rien de dramatique. Nous prenons la décision de continuer.


Dimanche matin la confiance est là, peut-être même un peu trop car au détour d’un virage sur le parcours de liaison, je me laisse surprendre par le soleil et fais un méchant tout droit : talus, décollage et décapitation d’une grosse pierre qui trônait là, à l’entrée d’une propriété privée ! Au bruit assourdissant du choc, je suis persuadé d’avoir éventré le châssis mais non, rien, vraiment rien : la traverse avant a certes fendu la pierre mais l’acier suédois, c’est du solide ! Pas même une déformation. C’est le cœur battant que nous terminons le rallye, et le fait d’apprendre que nous sommes remontés à la 3ème place achève de nous rendre le sourire. Le Trophée est bien parti !
Je récupère Aurélie pour le Rallye d’Anjou Roi René , un mois plus tard. Sur les portières, notre numéro fétiche, le 14. Mais il ne nous portera chance qu’un moment. Un piège du road book nous sera fatal dès la sortie de la ZR2. Comme beaucoup de concurrents, nous jardinons copieusement mais persistons trop longtemps au lieu de shunter le parcours. Punition immédiate : 6 minutes de pénalité au CH suivant, et les espoirs de place d’honneur qui s’envolent.

La déception est encore plus grande lorsque nous apprenons, à l’arrivée, que les transpondeurs n’ont pas fonctionné de l’après-midi, alors que nous avons plutôt bien régulé. Une course tronquée, des contestations qui fusent… Le classement mettra près de trois semaines à être validé et notre 12ème place nous laisse un arrière-goût amer.

Troisième commandement : « en avril, tu joueras à domicile » ! C’est le Critérium de Touraine Classic . 55 voitures au départ, le plateau est relevé et le terrain bien humide. Les premières spéciales sont en demi-teinte, la faute à un chronomètre fantaisiste et à de petites bévues en navigation, nous sommes loin de jouer la gagne mais le plaisir est là. Petite inquiétude, vite balayée, avec la découverte d’une fuite de la pompe à essence, nous attaquons la nuit le couteau entre les dents, pour rattraper notre retard. C’est tout le contraire qui va se produire. A nouveau mal engagés sur une route étroite qu’il n’aurait jamais fallu prendre, en pente et mal éclairée, on se retrouve nez à nez avec un autre concurrent. En voulant lui laisser le passage, je me range sur le côté et m’embourbe dans la terre trop meuble. Tankée, la belle rouge ! Il nous faudra 40 minutes et l’aide précieuse d’aimables concurrents pousseurs pour nous sortir de là. Verdict sans appel : les pénalités maximales et un renvoi dans les profondeurs du classement. Le sans-faute du lendemain matin n’y changera rien. Pas un point de glané, nous redescendons au 9ème rang du Trophée et la probabilité de remplir notre contrat apparaît bien faible. Je songe à faire un break…

« Hors de question ! » me dit Aurélie. Elle ajoute qu’elle a compris un truc dans l’utilisation des tables de moyenne et qu’elle veut battre le fer pendant qu’il est chaud. Bon, d’accord. Nous voici au départ du rallye de Nantes-Ancenis, à la mi-mai. Sans pression ni objectif (pour moi, la cause est entendue). Et là, tout se remet à fonctionner. Les ZR s’enchaînent sans la moindre alerte, je suis détendu, Aurélie aussi, la voiture ronronne à la perfection. A l’heure du déjeuner, on sait qu’on est dans le coup. Seconde étape à 14h, ça déroule comme il faut, on se retrouve souvent un peu seuls au départ des spéciales. Mais où sont-ils tous passés ? Ont-ils éprouvé des difficultés dans cette partie « carto » au beau milieu de laquelle a été insérée une ZR surprise ? A l’arrivée, les langues se délient, la plupart des concurrents se disent complètement largués… et d’autres ne finiront pas, victimes de pannes ou de sorties diverses. De fait, contre toute attente, nous gagnons le rallye avec une avance conséquente sur nos poursuivants. Quel retournement ! Grâce à ce moment d’extase totale, synonyme de remontée au classement du championnat et d’une coupe énorme qui émerveillera nos enfants, notre petite famille passera un bel été…

Disputer la victoire au Fleur de Sel Classic Rally, fin septembre , nous semble donc une évidence. Qui aurait pu imaginer qu’on me volerait tous mes papiers (permis de conduire et carte grise en tête) la veille de la course ? Heureusement, CART Historique m’autorise à prendre le départ avec des documents provisoires et nous sommes bien décidés à conjurer le sort. Avec un soleil omniprésent et un parcours magnifique, cette épreuve totalement nouvelle pour nous aurait pu, en effet, laisser des souvenirs impérissables. Mais après une matinée assez exemplaire, une erreur idiote – nous ratons un Contrôle de Passage – nous prive d’un beau résultat. Au lieu d’une 4ème place, nous récoltons les petits points de la 9ème. Dommage car la voiture, une fois de plus, a marché du tonnerre.
Tout va donc se jouer au Saumur Légende, ce rallye cher à notre cœur qui nous a vus débuter en 2011, dans les frimas et la grisaille de l’automne. Là encore, épreuve « phare » oblige, la concurrence arrive en nombre et bien affûtée. Il suffit de détailler les tableaux de bord pour s’en convaincre : ce sera une question de secondes. Pas de bol : Aurélie doit composer avec une rhino-pharyngite qui l’assomme bien comme il faut. Tant pis, on fera avec.

De fait, dès la sortie de la première ZR, nous sentons que ce n’est (encore) pas notre week-end. La navigation n’a rien d’insurmontable mais nous nous laissons déconcentrer. A vouloir sauver des secondes, nous en oublions les fondamentaux : regarder la route et rester sur la bonne. Les valises s’amassent, le moral plonge. Au dîner, j’avoue appréhender l’épreuve de nuit qui s’annonce. Ma vue n’est pas idéale dans la pénombre, et le terrain boueux parsemé de feuilles mortes et d’humidité ne me dit rien qui vaille. Bref, j’ai la trouille et aucun plaisir. Une ultime erreur d’Aurélie nous achève. Retour à l’hôtel sans regrets : on n’y était pas, vraiment pas, et c’est déjà bien de ne pas avoir enroulé la voiture contre un platane ou rencontré un sanglier. D’autres ont été moins chanceux… Comme au Touraine, notre dimanche matin sera plus glorieux. Les bonnes sensations reviennent, Aurélie est en forme sur ce parcours très sinueux et technique, et c’est avec un large sourire que nous pointons au CH final. Cette fois notre application n’aura pas été vaine : nous remontons de la 22ème à la 16ème position, juste assez pour engranger les quelques points qui sauvent notre 5ème place au Trophée René Jouan.

Objectif atteint, de justesse. Mais quelle saison nous aurons eue ! Vivement l’année prochaine…


-> Revivre toutes les épreuves 2013 et découvrir le calendrier Trophée Jouan 2014

Texte : Antoine Charrière
photos : organisation
Trophée René Jouan - une organisation Cart Historique

[NDLR : merci à Antoine et Aurélie d’avoir porté les couleurs de NCR pendant toute cette saison !]